Ninon Dubourg, Chargée de recherche du F.R.S.-FNRS

"Il faut réussir à trouver le temps et ne pas hésiter à postuler à un maximum d’appels"
Image blog
books archive
Chapo

Ninon Dubourg mène depuis octobre 2021 une recherche postdoctorale intitulée « Les expériences religieuses des personnes handicapées en Europe occidentale à la fin du Moyen Âge (1198-1503) » comme chargée de recherche du F.R.S.-FNRS au sein de l’unité de recherche Transitions de l’Université de Liège. 

Body

Pouvez-vous présenter en quelques mots votre parcours de recherche avant ce postdoc ?

J’ai commencé mes recherches à l’Université Paul Valéry Montpellier III où j’ai fait ma licence Histoire-Géographie, puis un master Histoire-Histoire de l’art, Antiquité-Mondes médiévaux, sous la direction de Monsieur Julien Théry lors duquel je me suis spécialisée sur le handicap au treizième siècle. Je suis ensuite montée à Paris pour faire ma thèse sous la direction de Monsieur Didier Lett à l’Université de Paris et je l’ai soutenue en mai 2019.

Après cela, j’ai été chargée du suivi des projets de recherche à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE) pendant deux ans. Il s’agissait d’un emploi dans l’administration en attendant de réussir à sécuriser un post-doctorat. J’encadrais de gros projets de recherche, principalement deux projets ERC (European research council) Advanced grant, lors desquels j’ai pu jouer le rôle de relai entre le chercheur et l’administration afin de concilier les deux mondes : limiter la lourdeur pour les chercheurs et remplir les exigences nationales et européennes en termes d’éligibilité et de contrôle de la dépense. Le travail à l’EPHE sur le suivi des projets de recherche m’a aidé à penser en « mode projet ». Aujourd’hui, on sait que la recherche est principalement financée sur projets, en tout cas pour les jeunes chercheurs, le nombre de postes étant ce qu’il est. Je pense que ça a été très formateur pour moi et je ne regrette pas du tout ce passage dans l’administration.

Parallèlement, j’ai postulé à beaucoup de postdocs, notamment à l’international, en Europe, mais aussi au Canada et aux Etats-Unis. J’ai été plusieurs fois sur liste d’attente et très bien classée mais ça ne suffit souvent pas… Et il faut s’armer de patience.

Comment avez-vous eu connaissance des post-doctorats proposés par le F.R.S.-FNRS ? Pourquoi ont-ils retenu votre attention ?

J’avais vu l’appel à candidature sur le site du Réseau des médiévistes belges de langue française (RMBLF.be). J’en avais aussi eu connaissance par mon réseau personnel, notamment via une amie lauréate il y a deux ans en philosophie.

C’est un appel qu’on retrouve sur pratiquement toutes les plateformes de type Fundit et Armacad où sont répertoriés les différents appels à candidatures, mais je trouve qu’il reste assez méconnu, alors que les conditions sont extraordinaires. En effet, il permet de proposer son propre projet de recherche et de choisir son équipe d’accueil. On peut donc complétement décider quelle orientation donner à ses recherches en fonction de la spécialité de son « promoteur » (équivalent du « superviseur »). Autre point positif : la durée. On est effectivement recrutés pour trois ans, ce qui est assez long et rare. De plus, on peut « mettre pause », c’est-à-dire qu’on peut réaliser ces trois ans de contrat au cours des six prochaines années. C’est tout à fait adapté à la recherche actuelle où l’on postule à un grand nombre de postdocs en même temps. Ainsi, s’il y’en a deux qui marchent, ce qui est rare mais pas impossible, on a la possibilité de saisir les deux opportunités. Cette extension permet surtout de continuer à postuler tout en étant en poste sans avoir à quitter son mandat actuel, et donc d’enchainer plus facilement les postdocs en évitant les périodes de précarité entre deux contrats.

Donc ce postdoc allie le fait de pouvoir avoir un projet cohérent, sur des questions qui nous intéressent avec une vraie équipe, et le côté international, puisqu’on va vivre et travailler dans un pays étranger. Cependant, il faut être assez réactif car on ne peut pas postuler à cet appel plus de 5 ans après avoir soutenu sa thèse. De plus, même s’il est ouvert à toutes les nationalités, il y a quand même l’obligation de travailler dans une université de langue française et donc de parler français.

Au niveau de la candidature, il est intéressant de noter qu’on peut choisir de rédiger le projet en français ou en anglais et donc mettre en place des stratégies. J’ai par exemple choisi d’écrire le projet en anglais pour que l’évaluation des expert-e-s puisse être faite par des spécialistes anglophones. C’est un appel qui reste sélectif. J’ai regardé un petit peu les chiffres de 2019 : on a à peu près 20% de taux de réussite (cela reste plus élevé que des MSCA Individual fellowship, à environ 13% de réussite). Sur le côté compétitif, on retrouve les critères habituels : avoir des publications, des articles, un livre sous presse ou en tout cas sous contrat, ça peut faire la différence. En 2019 ils ont eu 450 candidatures pour 100 octrois, toutes disciplines confondues. D’ailleurs, les lauréats sont pratiquement nommés de façon paritaire, ça peut aussi être un critère de sélection si on est une femme.

Vous commencez à évoquer ces différents critères qui peuvent faire aboutir la candidature, est-ce que vous pouvez nous expliquer la manière dont la procédure de candidature s’est déroulée pour vous ?

C’est une candidature qu’on ne peut pas préparer en un ou deux mois, il faut vraiment la prévoir sur un temps plus long. J’avais contacté le promoteur que j’avais en tête pour lui proposer mon projet, sachant que je le connaissais déjà un petit peu auparavant, en octobre 2019. Comme la deadline de l’appel était en janvier 2020, ça nous avait laissé à peu près quatre mois pour travailler ensemble à l’écriture du projet d’une dizaine de pages (avec également mon « co-promoteur » qui m’a aussi beaucoup aidé)

J’avais reçu un premier refus en juin 2020, mais j’ai repostulé l’année suivante, en janvier 2021 pour être finalement retenue le 23 juin 2021.

Ma candidature s’est donc déroulée en deux temps, J’ai à chaque fois reçu quatre rapports d’une à deux pages avec des critiques et des commentaires bien précis qui donnent à voir les critères attendus. Ça m’a énormément aidé à affiner mon projet entre la première et la deuxième candidature : j’ai légèrement changé la documentation étudiée pour remédier à certaines lacunes qu’ils avaient pointé et qui étaient totalement entendables. Pareillement, j’avais prévu des charges d’enseignement, mais ils m’ont plutôt conseillé de me concentrer sur la recherche uniquement, pour publier un article supplémentaire. Ces rapports permettent d’avoir une idée assez précise de ce qu’on attend de nous.  D’ailleurs, le dossier pour la seconde candidature permet de consacrer une page supplémentaire à l’explication des changements opérés entre la première et la dernière version du projet. Je pense que c’est très formateur parce que c’est le moment où on peut vraiment montrer qu’on a pris en compte les critiques. C’est un très bon exercice pour se poser et se demander : « comment ai-je pris en compte les commentaires ? ».

Un autre conseil : lors de la constitution du projet, il ne faut pas hésiter à demander leurs dossiers à d’anciens lauréats. J’avais demandé à une amie, mais aussi à des gens que je connaissais via Twitter. Cela m’a permis de voir un peu quels étaient les critères d’évaluation mais aussi comment organiser mes idées par rapport au nombre de pages, la part de la bibliographie, ce genre de choses. Même si ce n’est pas la même discipline, c’est très intéressant de voir quels ont été les points forts et les points faibles d’une autre candidature.  

Dans quelles conditions réalisez-vous vos recherches depuis le début de votre postdoc ?

Il a fallu déménager en Belgique, ce qui se fait très aisément. Toutes les démarches administratives sont facilitées par le fait qu’on signe très rapidement son contrat de travail. En plus, le F.R.S.-FNRS nous envoie des lettres qui sont tout à fait recevables par les propriétaires pour trouver un logement, par exemple. Je n’ai eu aucun problème pour trouver un domicile.

Ensuite, concernant l’arrivée à l’Université de Liège : j’ai un bureau ! Cela n’avait jamais été le cas auparavant. Nous sommes deux postdoctorants à avoir rejoint mon unité de recherche cette année. C’est bien pour l’unité d’accueil d’avoir de nouveaux chercheurs pendant trois ans qui développent de nouveaux axes et participent à son développement, donc on est bien accueillis et intégrés par tout le monde.

Au niveau de la recherche, ce mandat offre beaucoup de possibilités. La mobilité est un critère qui est pris en compte dans la candidature. Il y a donc un crédit de fonctionnement qui y est alloué. J’ai par exemple 7500 euros pour les trois années qui me permettent de pouvoir partir à l’étranger, aux archives dans mon cas, d’aller à des colloques, à des conférences, d’acheter du petit matériel type informatique, ce genre de dépenses – ce qui est, à nouveau, assez extraordinaire. Je trouve que j’évolue dans de très bonnes conditions pour l’instant.

Quelques mots pour conclure ?

Trouver un post-doc ça peut être très long et très dur émotionnellement parce qu’on risque d’essuyer de nombreux refus. Des fois on est très investis et donc déçus quand cela ne fonctionne pas... Par exemple, j’étais arrivée première sur liste d’attente pour partir trois ans en Autriche, à Vienne. Evidemment, je rêvais d’y aller. J’ai attendu plusieurs semaines qu’il y ait un désistement sur la vingtaine de personnes retenues – ce qui n’est jamais arrivé. C’est donc dur de garder la motivation, de ne pas lâcher prise. En travaillant à côté ça n’a pas été évident. Il faut réussir à trouver le temps et ne pas hésiter à postuler à un maximum d’appels quand ça fait sens avec son projet, avec la recherche qu’on a envie de mener. Mais je ne regrette pas du tout d’avoir postulé à une trentaine de postdocs parce que j’ai rencontré beaucoup de gens, je me suis fait plein de contacts. Maintenant, on m’écrit pour me proposer de publier parce qu’on sait sur quoi je travaille : ça permet d’être connu dans son champ, ce qui est très souvent une bonne chose.

 

Ninon Dubourg

Pour en savoir plus sur les travaux de Ninon Dubourg

https://ninondubourg.com/

https://www.uliege.be/cms/c_9054334/fr/repertoire?uid=u237932

 

Date
2021-06-12
Thème
Témoignages