Formations aux premiers secours
Formations hybrides aux premiers secours
Former aux gestes qui sauvent : atouts et limites des parcours de formation hybrides dans le domaine des premiers secours
Thématique de recherche
Chaque année en France, un ménage sur deux est touché par un accident domestique ou de la vie courante, soit une personne sur six, ce qui représente 11 millions d’accidents domestiques par an (toutes tranches d’âges confondues). Plus d’un tiers d’entre eux (4,5 millions) font l’objet d’un recours aux urgences (près d’une hospitalisation par minute). Ils provoquent près de 20 000 décès, soit 5 fois plus que le nombre de tués sur la route et 20 fois plus que les accidents du travail.
Par ailleurs, 53 000 personnes sont victimes chaque année d’un arrêt cardiaque, et 50 000 d’entre elles en décèdent, soit 135 personnes par jour. 7 fois sur 10 ces arrêts cardiaques surviennent devant témoin, mais rares sont encore ceux qui savent pratiquer le massage cardiaque ou utiliser un défibrillateur. En effet, moins de 20 % de ces témoins réalisent les gestes de Premiers Secours, c’est-à-dire « les Secours immédiats prodigués à une personne malade ou blessée dans l’attente de l’arrivée des secours professionnels ». Or, si tous les témoins d’arrêt cardiaque pratiquaient le massage cardiaque et utilisaient les défibrillateurs, près de 3 fois plus de personnes pourraient être sauvées, soit 8 000 personnes chaque année en France.
La formation aux Premiers Secours revêt donc un caractère d’utilité publique. En cas de catastrophe ou d’urgence, le premier intervenant est plus susceptible d’être un voisin, un ami ou un membre de la famille. Lorsque celui-ci connait les Premiers Secours et est capable de prendre en charge des lésions ou troubles physiques ou émotionnels, la souffrance peut être réduite et des vies peuvent être sauvées. Malheureusement, aujourd’hui moins de la moitié des Français a été formée ou initiée aux gestes qui sauvent et seulement 29 % ont reçu une formation reconnue, le PSC1 (Prévention et Secours Civique de Niveau 1).
Former aux premiers secours : un enjeu crucial aux multiples défis
Les « gestes qui sauvent » « cherchent à préserver la vie, soulager les souffrances, prévenir les affections ou lésions ultérieures et promouvoir le rétablissement ». Selon la définition proposée par la Fédération Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, les formations des citoyens en la matière consistent en des « interventions visant à renforcer les connaissances, les compétences et la confiance des apprenants ; ainsi que leur volonté d’appliquer les compétences de Premiers Secours acquises », tous ces éléments pouvant « mener à un changement de comportements. »
L’objectif est donc à la fois de donner les connaissances et les compétences aux apprenants, mais aussi, et surtout, de développer leur volonté d’agir en situation. La connaissance des gestes d’urgence n’est qu’une première étape : passer à l’acte est indispensable. Or, les recherches dans ce domaine, recensées dans les Recommandations internationales en matière de Premiers Secours et de réanimation (2016), rappellent que le passage à l’acte dépend de nombreux facteurs dont le profil des victimes, le contexte de la situation d’urgence et la confiance de l’intervenant dans ses propres compétences.
Se pose donc à tout formateur la question de la capacité des individus à agir en situation et des leviers favorisant le transfert des apprentissages, compte tenu des spécificités et limites de la formation aux Premiers Secours, à savoir que :
- le délai de mise en œuvre ne peut être défini : il se peut que l’apprenant ait à poser des gestes de Premier Secours en sortant de sa formation, une semaine ou un mois après, ou encore jamais ;
- la portée des gestes enseignés (susceptibles de sauver une vie) ainsi que le stress ressenti lors d’une situation de Premier Secours sont potentiellement des facteurs limitant le passage à l’acte ;
- on ne peut avoir accès au milieu de contextualisation.
Innover pour mieux former, en toute circonstance
Chaque année, plus de 15 millions de personnes sont formées aux Premiers Secours par les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, conférant au Mouvement une expertise reconnue depuis plus de 150 ans. A elle seule la Croix-Rouge française en forme ou initie plus de 120 000 par an. L’association est le premier opérateur de formations et d’initiations aux Premiers Secours en France : plus de la moitié des Français formés ou sensibilisés l’ont été par l’association.
Classiquement, la formation de sauveteur à destination de l’ensemble des citoyens dès 10 ans en France (le « PSC1 ») consiste en 7h de face à face avec un formateur. Depuis la crise sanitaire liée à l’épidémie de COVID-19, la Croix-Rouge française déploie une nouvelle offre de formation, hybride, sur l’ensemble de son catalogue de formation, y compris celles dédiées aux Premiers Secours.
Concrètement, l’association a créé le « ePSC1 », au cours duquel les participants suivent leur PSC1 en 3h30 (maximum 4h) de présentiel sous réserve d’avoir suivi au préalable la partie e-learning de la formation.
Cette phase distancielle obligatoire comprend 17 modules interactifs et ludiques reprenant le contenu du PSC1 que le participant peut suivre à son rythme, pour une durée moyenne estimée entre 3h et 4h. Ces modules demeurent accessibles à chaque participant jusqu’à 2 mois après la formation.
Le dispositif à distance doit permettre un déploiement plus large auprès de la population des contenus sur les gestes de Premiers Secours, car en libre accès et gratuits, afin de permettre à plus de citoyens d’oser passer à l’action face à une situation. La diffusion d’une offre de formation asynchrone sur les Premiers Secours doit également donner envie de venir mettre en pratique et approfondir en formation les gestes de Premiers Secours.
Atouts et limites des parcours de formation hybrides dans le domaine des premiers secours
Ce passage des formations totalement présentielles aux formations hybrides est un changement important d’approche pédagogique et impose une évolution forte dans la pratique des formateurs (technique pédagogique nouvelle, posture du formateur qui évolue…) et une autonomisation des participants.
Aussi, grâce au recul dont on dispose désormais, il est possible et essentiel de sonder les effets des parcours hybrides sur les participants et les formateurs pour s’assurer de leur pertinence en termes de rétention mnésique et de sécurisation des participants pour le passage à l’action. On peut par exemple émettre l’hypothèse que l’hybridation engendre un « ancrage mémoriel plus important », car elle permet de découvrir le contenu de la formation en amont et de revenir dessus en aval. Mais on peut aussi s’interroger sur la façon dont cette approche pédagogique favorise ou non le passage à l’action, l’adoption des bons gestes et de la conduite à tenir.
- C’est pourquoi la Fondation Croix-Rouge française a décidé de s’associer au Pôle formation de la Direction des activités bénévoles et de l’engagement de la Croix-Rouge française afin de soutenir une recherche destinée à sonder les effets des parcours de formation hybride dans le domaine des premiers secours sur la mémorisation mnésique et les passages à l’action des personnes formées, à mieux comprendre les avantages et inconvénients de cette approche, et ainsi mieux accompagner les formateurs dans leur compréhension de cette approche et leur réflexion sur la place du numérique dans la formation aux gestes de Premiers Secours.
- Les participants d’une formation hybride aux Premiers Secours ont-ils un ancrage mémoriel plus fort ?
- L’hybridation des formations aux Premiers Secours renforce-t-elle le sentiment de capacité pour le passage à l’action des participants ?
- L’auto-formation seule à distance donne-t-elle les moyens (techniques, conduite à tenir, pouvoir d’agir) aux participants pour intervenir en situation ?
- Qu’est-ce qui peut et ne peut pas s’apprendre à distance en matière de Premiers Secours ?
- Dans quelles conditions l’hybridation des formations aux Premiers Secours permet-elle une complémentarité améliorant l’efficacité des approches uniquement en présentiel ou distanciel ?
- Certaines caractéristiques sociodémographiques (âge, sexe, etc.) des formateurs et des personnes formées ont-elles un effet sur le succès ou l’échec des formations hybrides en matière de Premiers Secours ?
- Comment concevoir des outils donnant accès à des connaissances disponibles à travers des mémoires externes efficaces aux formations aux Premiers Secours ?
- Comment les formateurs s’adaptent-ils et modifient leurs pratiques afin de favoriser le passage à l’acte dans les parcours de formation hybride aux Premiers Secours ?
Il est d’abord attendu que la recherche conduite fournisse un état des connaissances sur le sujet, synthétisant notamment les résultats d’études plus ou moins similaires déjà réalisées, afin d’identifier des mesures utilisées et proposer un protocole d’enquête adéquat.
Deux principales revues systématiques sur l’évaluation des formations aux Premiers Secours ont été publiées : celle de Van de Velde, Heselmans, Roex, Vandekerckhove, Ramaekers et Aertgeets et celle de He, Wynn et Kendrick. Il en resort que majoritairement les études conduites mesurent l’efficacité des formations aux Premiers Secours via l’évaluation des connaissances et des compétences. He et al. précisent que sur les 23 études de leur échantillon, seules 5 incluent des mesures de comportements d’aide (associés à la volonté d’agir) et 3 de confiance (le sentiment d’efficacité personnelle). Aucune ne cherche à mesurer la volonté d’agir. Selon cette publication, le corpus de données sur cette thématique est épars, les études sont de faible envergure et les données statistiques encore insuffisantes ce qui limite leur caractère généralisable. En conséquence, il est attendu que la recherche identifie et interroge les pratiques de formation utilisées par les formateurs en parcours hybride destinées à inciter les individus à passer à l’acte, à renforcer la confiance en soi, le sentiment d’auto-efficacité personnelle, et donc à transférer leurs apprentissages.
La recherche pourrait par exemple s’appuyer sur une étude comparative entre les approches « 100 % présentiel », hybride et « 100 % distanciel », et répétée, autrement dit réalisée en fin de formation (à chaud) puis un peu plus tard (à froid), auprès des 1 000 structures locales de la Croix-Rouge française, en tenant compte d’une variété de contextes géographiques.
Il est par ailleurs attendu que la recherche s’intéresse aux pratiques de formation qui favorisent « la volonté d’appliquer les compétences acquises » soit, en langage de formation, le transfert des apprentissages. Dans cette perspective, la recherche s’intéressera autant à l’impact de ces formations sur les personnes formées qu’aux pratiques des formateurs visant à renforcer certaines attitudes ou comportements chez leurs apprenants, en tenant compte d’une variété de profils de formateurs et d’apprenants étudiés.
La recherche bénéficiera de l’expertise du Global first aid reference centre(Centre Mondial de Référence des Premiers Secours, GFARC), un centre international initié par la Fédération Internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Les recommandations internationales sur les Premiers Secours et la réanimation publiées par le GFARC s’appuient sur deux décennies de preuves empiriques et plus de 100 ans d’expérience dans le domaine des Premiers Secours dans différents contextes.
Le Pôle formation de la Direction des activités bénévoles et de l’engagement de la Croix-Rouge française, appuyé de l’équipe pédagogique nationale, accompagnera également la recherche, en particulier dans la production attendue de recommandations (sur la promotion des gestes de Premiers Secours, l’ajustement des dispositifs de formation, etc.) à destination notamment des sociétés nationales du mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
Zone géographique de recherche
La recherche aura lieu en France métropolitaine et/ou d’outremer.
Chaque lauréat bénéficiera en outre de :
• la possibilité de solliciter une participation aux frais d’assurance liés au terrain (pour un montant maximum de 500 euros)
• suivi scientifique et tutorat personnalisés
• accompagnement dans la valorisation des résultats de la recherche (traduction en anglais, publication sur ce site, soutien pour publier dans des revues d’excellence et notamment dans la revue Alternatives humanitaires, participation aux Rencontres de la Fondation)
• abonnement d’un an à la revue Alternatives humanitaires
Dates clés :
• 7 fev. 2022 : lancement de l’appel
• Nouvelle date de clôture : 1er mai 2022 – clôture des candidatures à minuit (heure de Paris)
• 8 juil. 2022 : annonce des résultats
• 1er sept. 2022 : début de la recherche
• 1er sept. 2023 : rendu des livrables finaux