Action humanitaire et accès aux soins

Action humanitaire et accès aux soins : quels nouveaux modèles pour une effectivité du droit à la santé ?

Bourse de recherche (individuelle)

Nombre de bourse : 1

Montant : 17 000 €

Chaque lauréat bénéficiera en outre de :

• suivi scientifique et tutorat personnalisés
• accompagnement dans la valorisation des résultats de la recherche (traduction en anglais, publication sur ce site, soutien pour publier dans des revues d’excellence et notamment dans la revue Alternatives humanitaires, participation aux Rencontres de la Fondation)
• abonnement d’un an à la revue Alternatives humanitaires
• adhésion d’un an à l’IHSA

Dates clés :

• 15 février 2021 : lancement de l’appel
• 30 avril 2021 : clôture des candidatures à minuit (heure de Paris)
• 1er juillet 2021 : annonce des résultats
• 1er sept. 2021 : début de la recherche
• 1 sept. 2022 : rendu des livrables

Mots-clés :

• Accès aux soins
• Déserts médicaux
• Santé
• Bien-être
• Inégalités sociales

Thématiques de recherche

Alors que le droit international a clairement défini un droit d’accès aux soins égal pour tous, il ressort d’un récent rapport de la Banque mondiale et de l’Organisation mondiale de la Santé que la moitié au moins de la population de la planète n’a pas accès aux services de santé essentiels[1]. Donner les moyens de vivre une vie saine et promouvoir le bien-être de tous à tout âge demeure ainsi un des principaux objectifs de développement durable, et la santé un secteur d’intervention prioritaire de nombreuses ONG.

Des progrès indéniables sont observés depuis plusieurs années en termes d’espérance de vie, mortalité infantile ou mortalité maternelle, notamment grâce aux systèmes de « Couverture sanitaire universelle » mis en place dans certains pays en développement. Ainsi, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), entre 2000 et 2016 l’espérance de vie mondiale à la naissance a augmenté de 5,5 ans, passant de 66,5 à 72,0 ans[2]. Aussi, l’espérance de vie en bonne santé à la naissance – le nombre d’années en pleine santé qu’une personne peut s’attendre à vivre – est passée de 58,5 ans en 2000 à 63,3 ans en 2016.

Le taux de mortalité maternelle a diminué de 37% depuis 2000 dans le monde, et même de deux tiers en Asie de l’Est, Asie du Sud et en Afrique du Nord. Aussi, la proportion de femmes recevant des soins prénatals ne cesse d’augmenter dans les régions en développement, passant de 65% en 1990 à 83% en 2012.

Dans le rapport Niveaux et tendances en matière de mortalité de l’enfant de 2015 (Levels and Trends in Child Mortality 2015) publié par l’UNICEF, l’Organisation mondiale de la Santé, le Groupe de la Banque mondiale et la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, de nouvelles estimations indiquent que les taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans ont diminué de plus de moitié (53%) depuis 1990 dans le monde, passant de 12,7 millions par an en 1990 à 5,9 millions en 2015. C’est la première année où ce chiffre passe en-dessous de la barre des 6 millions[3].

Ce rapport indique par ailleurs qu’environ un tiers des pays dans le monde, soit 62 en tout, a atteint la cible des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD visant à réduire de deux tiers la mortalité des enfants, et 74 autres ont réduit leur taux au moins de moitié[4].

Mais cette amélioration est très inégalement répartie, s’opère à un rythme trop lent, tout particulièrement dans les pays économiquement les plus démunis, et les besoins restent immenses pour apporter une réponse de long terme aux enjeux de santé. Selon l’OMS, les inégalités en matière d’accès aux services de santé sont à l’origine de l’écart d’espérance de vie de 18,1 ans entre les pays les plus pauvres et les plus riches.

Dans les pays à revenu faible, où les services sont plus rares[5], 1 femme sur 41 meurt d’une cause liée à la maternité, contre 1 sur 3 300 dans les pays à revenu élevé. Un enfant sur 14 né dans un pays à revenu faible décèdera avant son cinquième anniversaire.

Les inégalités sont constatées non seulement entre pays mais aussi à l’intérieur d’un même pays et les moyennes nationales dissimulent parfois la faible couverture assurée aux groupes désavantagés. Ainsi, 17% seulement des mères et des enfants du quintile des ménages les plus pauvres dans les pays à revenu faible ou intermédiaire de la tranche inférieure bénéficient de six au moins des sept interventions fondamentales de santé de la mère et de l’enfant, contre 74% dans le quintile des ménages les plus favorisés[6].

Chaque année un nombre considérable de familles sont plongées dans la pauvreté en raison des dépenses de santé qu’elles doivent régler directement. Actuellement, 800 millions de personnes consacrent au moins 10% du budget du ménage aux dépenses occasionnées par les soins, pour elles-mêmes, un enfant malade ou un autre membre de la famille. Le niveau de ces dépenses suffit à plonger 100 millions d’entre elles dans une situation d’extrême pauvreté où elles n’ont tout au plus que 1,90 dollar (US$) par jour pour survivre[7].

En Afrique notamment, où les systèmes de santé demeurent particulièrement fragiles, la pauvreté endémique, les catastrophes naturelles, les conflits meurtriers, l’instabilité politique, le manque ou la mauvaise utilisation des ressources humaines ont ancré la pénurie d’offre de soins de qualité dans la chronicité. L’Afrique subsaharienne possède le taux de mortalité des moins de 5 ans le plus élevé du monde avec un enfant sur douze qui meurt avant son cinquième anniversaire, soit plus de 12 fois plus que la moyenne de 1 sur 147 dans les pays à revenu élevé. Aujourd’hui encore sur ce continent, 1 femme sur 16 meurt en accouchant.

Dans les territoires ultramarins, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a récemment dénoncé une prévention défaillante, un accès difficile aux structures médicales, une organisation inefficace des dispositifs médicaux, et des disparités d’accès à la santé dans les outre-mer nombreuses et persistantes. L’espérance de vie à la naissance y est en moyenne plus basse que dans la métropole, notamment en Guyane où elle y est de deux ans inférieure (76,7 ans pour les hommes et 82,9 ans pour les femmes) et encore plus basse à Mayotte (74,7 ans et  77,9 ans). Le taux de mortalité infantile était en 2015 pour l’ensemble du pays à 3,7 pour 1 000 naissances contre le double (7,6 en moyenne) dans les DROM hors Mayotte. En cause, l’isolement qui complique l’accès aux soins et la réponse aux urgences, les barrières financières qui engendrent un renoncement aux soins, un manque d’accompagnement social, ainsi qu’un déficit de spécialistes et des professionnels de santé inégalement répartis qui entravent notamment le dépistage de certaines pathologies et leur prise en charge dans un délai favorable.

Pour veiller à ce que tous aient accès aux soins de santé dont ils ont besoin, les solutions toutes faites, applicables en tous lieux et toutes circonstances, n’existent pas, car les obstacles responsables de l’inégal accès aux soins diffèrent d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre, d’une communauté à l’autre : distance-temps (trajet) trop longue, pauvreté, approvisionnement insuffisant en médicaments, manque de personnel de santé, manque d’accès aux informations sur les maladies et les soins adaptés, barrières culturelles, manque d’infrastructures sanitaires opérationnelles, etc. Aussi, il reste encore beaucoup à faire pour comprendre et enrayer les mécanismes d’absence de prise en charge, la constitution de déserts médicaux et l’exclusion de la santé à grande échelle dans les pays du Sud.

L’objectif de l’appel est de permettre la compréhension de nouveaux modèles permettant d’envisager l’effectivité du droit à la santé, un accès aux soins le plus durable possible aux populations et une autonomisation des systèmes de santé locaux dans le respect de leurs besoins et spécificités culturelles, dans certaines pays d’Afrique subsaharienne et territoires ultramarins. Il invite à explorer les obstacles et perspectives d’une action dirigée localement et à proposer des pistes de réforme de la réponse humanitaire contemporaine. Les candidats sont particulièrement encouragés à aborder des exemples de meilleures pratiques, notamment en ce qui concerne la santé communautaire[8], le lien entre l’action d’urgence et le développement, entre l’action humanitaire et l’action sociale. Qu’il s’agisse de problématiques propres aux besoins en soins de santé primaires (hygiène, prévention, éducation à la santé), aux populations vulnérables (femmes, enfants des rues, réfugiés), ou aux pandémies (VIH, paludisme), quels types d’actions et de mobilisations peuvent contribuer à l’effectivité du droit à la santé et assurer un accès aux soins le plus durable possible ? Comment contribuer à l’autonomisation médicale des populations dans le respect de leurs besoins et spécificités culturelles ?

Par exemple, il est désormais acquis par les humanitaires, comme par les autres acteurs engagés pour un meilleur accès aux soins de tous, que les obstacles au recours aux soins ne se réduisent pas à leur dimension matérielle. Celles-ci sont multidimensionnelles : barrières spatiales (déserts médicaux), sociales (situation de rue, exclusion), culturelles, religieuses, etc. Cela dit, quand bien même ces obstacles sont connus, il n’est pas aisé de les intégrer aux programmes humanitaires menés afin d’en orienter la méthodologie vers des actions adaptées aux contextes spécifiques des interventions. Comment tenir compte efficacement de ces facteurs socioculturels afin que les différents types d’actions et de mobilisations contribuent à l’effectivité du droit à la santé et assurent un accès aux soins le plus durable possible ?

Aussi, l’efficacité de l’action humanitaire dans l’amélioration de l’accès aux soins dépend notamment de la façon dont elle est menée en concertation avec les autres acteurs impliqués, et en premier lieu les acteurs locaux. Cependant, sur de nombreux terrains d’intervention cette action concertée apparait soit insuffisante soit inexistante. Quels sont les freins à la mise en place de telles actions concertées ? Comment l’efficacité des différentes actions et innovations des ONG en matière d’accès aux soins et de suivis médicaux pour les plus vulnérables peut être capitalisée par les différents acteurs de la société civile et publics locaux et contribuer au développement durable de la santé ? Comment favoriser ce passage de relais pour rebâtir de façon pérenne des systèmes de santé détruits par la guerre ou créer des systèmes là où ils sont inexistants, et ainsi assurer l’autonomie des systèmes de santé locaux ?

Aujourd’hui, cette vision participative de la santé, inscrite dans la constitution de l’OMS, est devenue une approche essentielle de la planification sanitaire et sociale pour les politiques et les administrations de nombreux pays, et pour les organisations humanitaires. La participation communautaire dans l’identification des besoins en santé et dans la mise en place de solutions faciliterait la promotion, le maintien et le renforcement de la santé dans une population, et contribuerait in fine à l’autonomisation médicale des populations dans le respect de leurs besoins et spécificités culturelles. Les dispositifs inspirés par cette approche intégrée permettent-ils véritablement de suppléer la carence en offre de soins et de prévention, et comment s’articulent-ils avec les dispositifs existants ? Comment, concrètement, cette vision participative de la santé parvient-elle à relever les nombreux défis qui lui font face : comment écouter une population, comment structurer ses voix souvent discordantes, comment en extraire les besoins essentiels, comment tester des hypothèses de résolution de problèmes, comment les mettre en œuvre, tout en collaborant avec les volontaires locaux et les professionnels en charge de leur application ?

[1] Banque mondiale, Organisation mondiale de la Santé (2017), Tracking Universal Health Coverage: 2017 Global Monitoring Report.

[2] OMS, Communiqué de presse du 4 avril 2019, publié à l’occasion de la Journée mondiale de la Santé du 7 avril 2019.

[3] Ce nouveau rapport confirme les principales conclusions de la révision du World Population Prospects de 2015, publié par le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, sur le remarquable déclin de la mortalité de l’enfant dans le monde au cours des 15 ans de l’ère des OMD.

[4] Il est à noter qu’en 2000-2015, d’une manière générale, l’Afrique subsaharienne a accéléré son rythme annuel de réduction de la mortalité des moins de 5 ans, aujourd’hui environ deux fois et demie supérieur à celui de la période 1990-2000. Malgré leur faible revenu, l’Érythrée, l’Éthiopie, le Libéria, Madagascar, le Malawi, le Mozambique, le Niger, l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie ont tous atteint la cible des OMD. Cela dit, la région reste confrontée au défi considérable de la hausse de la population des moins de 5 ans, qui devrait augmenter de presque 30% au cours des 15 prochaines années, ainsi qu’à une pauvreté persistante dans de nombreux pays.

[5] Dans plus de 90% des pays à revenu faible, on compte moins de 4 personnels infirmier ou obstétrical pour 1 000 habitants (OMS).

[6] Banque mondiale, Organisation mondiale de la Santé (2017), Tracking Universal Health Coverage: 2017 Global Monitoring Report.

[7] Banque mondiale, Organisation mondiale de la Santé (2017), Tracking Universal Health Coverage: 2017 Global Monitoring Report.

[8] Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé communautaire est le processus par lequel les membres d’une collectivité, géographique ou sociale, conscients de leur appartenance à un même groupe, réfléchissent en commun sur les problèmes de leur santé, expriment leurs besoins prioritaires et participent activement à la mise en place, au déroulement et à l’évaluation des activités les plus aptes à répondre à ces priorités.

 

Zone géographique de recherche

Ces thèmes pourront être abordés dans une zone géographique comportant un ou plusieurs pays. La Fondation a identifié pour cet appel seize pays prioritaires :

Bénin Madagascar

Burkina Faso Maurice

Cameroun République démocratique du Congo

Côte d’Ivoire Rwanda

France métropolitaine et outre-mer Sénégal

Gabon Seychelles

Guinée Togo

Haïti Union des Comores

Les pays ciblés constituent une entrée empirique pour les recherches. Ils ne correspondent en aucun cas aux nationalités d’éligibilité du candidat.

L’accès au terrain sera conditionné par une évaluation précise des risques remise lors de la candidature et mise à jour avant le départ en prenant soin de vérifier au préalable les recommandations du MEAE français.

Institution
Application date
Duration
1 an
Discipline
Social sciences