Bourse de recherche Réseaux de solidarité de proximité face aux crises sanitaires
Renforcer la mobilisation pour mieux préparer et soutenir les populations
Bourse de recherche (individuelle)
Nombre de bourse : 1
Montant : 17 000 €
Thématique de recherche
Dès les premiers jours et tout au long de la crise sanitaire actuelle, la Croix-Rouge française, auxiliaire des pouvoirs publics, s’est rapidement mobilisée aux côtés des autorités sanitaires françaises pour participer à l’effort de protection des populations et lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19. Prévention, soutien aux réseaux de secours, réponse à l’urgence sanitaire, sociale et médico-sociale dans les établissements, ouverture de centres d’hébergement spécialisés pour les personnes sans abri, renforcement des maraudes, lancement du dispositif « Croix-Rouge chez vous », lutte contre l’isolement social… Durant des semaines, en métropole, dans les territoires d’Outre-mer et dans ses délégations à l’étranger, la Croix-Rouge française a déployé son réseau pour protéger les populations les plus vulnérables, pour venir en aide à tous ceux qui en avaient besoin[1].
Dans ce contexte exceptionnel et durable, la question de l’impact des mesures de prévention, de gestion du confinement ou d’aide aux personnes atteintes du virus, sur le bien-être physique et psychologique des personnes engagées (professionnels de santé, bénévoles, etc.) est devenue une priorité pour la Croix-Rouge française, comme pour tous les acteurs œuvrant tant bien que mal à la continuité de leurs actions. L’impact de la crise sanitaire sur les travailleurs en première ligne soulève en effet de fortes inquiétudes quant à la meilleure façon de protéger leur santé physique et mentale. Les pays et organisations luttant contre la propagation du virus doivent préparer leur personnel à appliquer des procédures de prévention et de contrôle efficaces, mais aussi anticiper leurs besoins psychosociaux pour permettre la continuité clinique.
C’est pourquoi la Fondation Croix-Rouge française s’est mobilisée depuis le début de l’année 2020 afin d’encourager de nouvelles recherches en sciences humaines et sociales[2] sur les approches pertinentes, acceptables et réalisables pour soutenir la santé physique et les besoins psychosociaux des personnes engagées en première ligne de la réponse à l’épidémie de Covid-19 actuelle[3], en particulier les personnels bénévoles du Mouvement Croix-Rouge et Croissant-Rouge.
L’appel « Réseaux de solidarité de proximité face aux catastrophes : renforcer la mobilisation pour mieux préparer et soutenir les populations » s’inscrit dans cet effort, en encourageant la recherche sur les initiatives citoyennes, les réseaux informels d’entraide locaux qui se sont mobilisés pour soutenir les personnes engagées dans la réponse au virus, ou celles fragilisées par ses conséquences économiques et sociales.
Durant cette situation sanitaire d’une ampleur exceptionnelle en France, on observe en effet que, comme souvent en période de crise, la société civile se mobilise. Le confinement a été pour beaucoup de Français en bonne santé l’occasion de donner du sens à une situation de pandémie mondiale inédite, et aux multiples problématiques : personnes socialement isolées en manque de soutien, personnes en situation de rue souffrant du confinement des bénévoles et de la saturation des centres d’hébergement, soignants en manque de masques, parents en mal de services de garde pour leurs progénitures, agriculteurs en panne de main d’œuvre, etc.
Ainsi, des initiatives citoyennes sont nées dès le premier confinement de mars 2020, et depuis on constate le fourmillement exceptionnel de ces actes de solidarité qui se multiplient partout en France et sous des formes diverses, de l’entraide de voisinage à la communauté de geeks. Des initiatives citoyennes visant à développer de nouvelles solidarités ont éclos dans tous les domaines : aide à la vaccination (« Vite ma dose », « Covidliste »[4]), aides diverses aux soignants (« En première ligne »[5], « Protège ton soignant »), prêt de logements au personnel de santé et personnes vulnérables (« EtikBnB », « Les Logements Solidaires », « #DesVacancesPourNosSoignants »), aide au transport des soignants (« Des vélos pour l’hosto »), soutien psychologique pour les soignants (« Psychologues Solidaires »[6]), livraison de courses gratuitement à domicile (« Les coursonnettes », « Wi Pharma », « Mon Emile » et la chaîne de solidarité « Mamie Boom »[7]), fabrication de masques, blouses et visières de protection pour les soignants (« mask4France », « Coudre l’Histoire »[8], « #FaisUneBlouse »), cuisine pour les personnes sans domicile fixe (projet « #Poureux »[9]), cuisine pour les soignants (« Prête ton assiette »), organisation de l’entraide de voisinage (« Voisins Solidaires »[10]), collecte de données sur le coronavirus (« Data Against Covid-19 »[11]), soutien aux personnes isolées (« 1 lettre 1 sourire »[12]), soutien aux personnes en situation de handicap (« FÉDÉEH – Entraide Handicap Covid-19 »)[13], prévention et soutien face aux violences domestiques (« Un abri qui sauve des vies »[14]), soutien pédagogique aux enseignant·e·s (« Continuité pédagogique »[15], « Profs en confinement »), soutien aux collégien·ne·s, lycéen·ne·s et étudiants (« #RéussiteVirale »[16]), conseil pour participer à l’entraide locale ou en bénéficier (« COVID-Entraide France »[17], « Bienveillance contagieuse », « Les coursiers solidaires à vélo », « G Besoin 2 »), etc.
Cette crise, qui éprouve la résilience de notre société, met en lumière l’importance des initiatives citoyennes et locales pour organiser de nouvelles formes concrètes de solidarité qui se révèlent d’une grande aide pour le personnel sur le front de la réponse à une catastrophe, comme pour les personnes fragilisées par ses conséquences économiques et sociales. Elle confirme aussi l’importance générale des mobilisations citoyennes aujourd’hui en France, comme de nombreux travaux ont pu en faire état dans d’autres contextes comme celui de la « crise migratoire » en Europe[18], ou de la lutte contre le réchauffement climatique[19].
Au-delà des enjeux scientifiques, l’étude de ces initiatives citoyennes, de ces réseaux informels d’entraide locaux qui naissent ou « se réactivent » durant une crise ou une catastrophe est d’un grand intérêt pour les acteurs humanitaires et sociaux. En effet, face à l’imminence ou la survenue d’une catastrophe, il est essentiel pour ces acteurs de déployer des actions de proximité pour protéger et secourir ceux qui sont dans la zone exposée au risque. Cela peut être facilité par la mobilisation et le renforcement de réseaux d’entraide locaux, à tous les stades d’une crise. Mais cela nécessite une connaissance précise des réseaux et logiques de solidarité locaux, notamment par type de territoire, afin de disposer de clefs de lecture claires de ces réserves et relais potentiels. Comprendre et formaliser la coordination observée durant la crise épidémique entre, par exemple, les « réseaux de soignants qui aident » et les « réseaux d’aide aux soignants » est donc un enjeu important pour les acteurs comme la Croix-Rouge française car cela leur permettrait de mieux mobiliser les citoyens à l’avenir, et d’aider les soignants et autres personnels engagés par l’activation rapide de réseaux d’entraide hyper locaux très efficaces en cas de catastrophes de toutes natures.
Ainsi, l’objectif de cet appel est de fournir des clefs de compréhension des initiatives citoyennes, des réseaux informels d’entraide locaux qui se sont mobilisés pour soutenir les personnes engagées dans la réponse au virus ou celles fragilisées par ses conséquences économiques et sociales. Sur la base d’un premier travail rétrospectif sur les réseaux de solidarité visibles (réseaux associatifs, en premier lieu les associations d’entraide) et invisibles (souterrains, non institutionnels, nés uniquement à l’occasion de l’épidémie) qui ont joué un rôle – plus ou moins efficace – dans la réponse à la crise sanitaire actuelle, la recherche consistera en une identification et documentation des différentes logiques de solidarité locale à partir de plusieurs études sociologiques conduites dans différents territoires de métropole aboutissant à des monographies comparées. Ces « portraits » de la solidarité locale de différents territoires devront notamment permettre de comprendre comment les solidarités se forment à l’occasion d’aléas ou catastrophes, comment elles fonctionnent, ou encore pourquoi un réseau de solidarité reste « dormant » ou demeure tout le temps actif.
La recherche connaitra plusieurs sous-objectifs.
- Par quelques études de cas approfondies, connaitre l’histoire, la diversité, le mode de fonctionnement, les services et biens échangés, les interactions et l’efficacité de certains réseaux d’entraide particulièrement importants. Quelles sont les conditions de l’impact social des réseaux de solidarité de proximité durant une catastrophe ?
- Comprendre les leviers de mobilisation possibles de ces réseaux et les conditions d’une articulation efficace de leur action à celle d’autres acteurs engagés dans la réponse à une catastrophe. Comment mobiliser ces réseaux, les former, et quels seraient les bons outils d’animation et de fidélisation ?
- Par ailleurs, la mobilisation citoyenne face à l’épidémie a amené de nombreux acteurs associatifs à gérer un afflux massif et inédit de bénévoles ponctuels depuis le début de la crise[20], ce qui se révèle être à la fois une formidable ressource et une préoccupation de tous les instants pour assurer leur bonne préparation et intégration. Pourquoi et de quelles façons de nombreuses personnes ont-elles plutôt opté pour un engagement informel face à la crise, dans des initiatives citoyennes situées aux interstices de l’action associative formelle et de l’action publique, et comment envisagent-elles leur engagement dans la durée ?
Zone géographique de recherche
La recherche aura lieu en France, dans plusieurs contextes géographiques fortement exposés aux risques majeurs. Les zones géographiques envisagées pourraient comprendre notamment des zones où l’on déplore un manque de services publics (comme les « déserts médicaux »), et d’autres où la faible densité du tissu associatif renforce la nécessité de mieux connaitre les relais informels d’entraide locaux permettant aux acteurs humanitaires et sociaux d’y agir plus efficacement en temps de crise.
Les pays ciblés constituent une entrée empirique pour les recherches. Ils ne correspondent en aucun cas aux nationalités d’éligibilité du candidat.
Chaque lauréat bénéficiera en outre de :
• la possibilité de solliciter une participation aux frais d’assurance liés au terrain (pour un montant maximum de 500 euros)
• suivi scientifique et tutorat personnalisés
• accompagnement dans la valorisation des résultats de la recherche (traduction en anglais, publication sur ce site, soutien pour publier dans des revues d’excellence et notamment dans la revue Alternatives humanitaires, participation aux Rencontres de la Fondation)
• abonnement d’un an à la revue Alternatives humanitaires